On ne fait pas de potions sans casser des flacons {Julie/June}

Serdaigle

La cloche venait de sonner. Gong miraculeux annonçant la fin du cours et le début de la pause déjeuner. Manger… June en avait l’estomac qui gargouillait rien qu’à cette simple pensée.

Un sourire aux lèvres, elle ramassa rapidement ses affaires. Un geste circulaire de la main sur son bureau fourra parchemins de note en tout genre dans la gueule béante de son sac, ouvert pour l’occasion. Tombant pèle mêle dans le sac à bandoulière kaki de la Serdaigle les feuillets se froisseraient sans nul doute. Surtout que la miss venait d’ajouter par-dessus le poids du livre de Défense contre les Forces du Mal. Tant pis… Elle et le rangement, ça avait toujours fait trois, et son sac était toujours dans un bazar effrayant. Heureusement que le sortilège d’Attraction lui réussissait plutôt bien. De toute manière, comme chaque soir, elle renverserait le contenu du sac sur le sol du dortoir pour trier foutoir inutile et foutoir scolaire. Et à l’occasion, un petit sort pour réparer et défroisser ce qui était réparable et défroissable. Et le tour serait joué.

Mais si June se dépêchait de la sorte, ce n’était pas uniquement à cause de son estomac suppliant. Non. Car dans ce domaine, il y avait bien pire qu’elle. Une tornade brune déboula à sa droite, l’entraînant par le bras vers la sortie de la salle de classe. La miss n’eut le temps que de saisir de la main gauche sa bouteille d’encre et la plume qui se trouvaient encore sur sa table. Et bien, elle avait encore des progrès à faire en matière de rapidité pour égaler Ann Rosthorn. M’enfin, le principal était qu’elle avait toutes ses affaires avec elle, son sac brinquebalant sur son épaule au gré de la course infernale imposée par Ann. Au début de sa scolarité, elle n’arrivait jamais à tout emporter quand la cloche du repas sonnait. Et la jeune fille devait se reposer sur ses camarades de dortoir pour récupérer livre, encre ou parchemin.

Le couloir défilait sous les pas des deux jeunes filles, pressées d’arriver à l’escalier pour descendre jusqu’à la Grande Salle. Malheureusement, notre Serdaigle trébucha, s’emmêla les pieds et… S’étala par terre. Le premier réflexe lors d’une chute est de mettre ses mains devant soi, pour protéger son visage. Et cela ne manqua pas. Avec un magnifique cri de détresse, June plongeant en avant, main gauche tendue devant elle…

Avec un bruit sourd, elle percuta le dallage de pierres, stoppant malgré elle Ann dans son élan. La douleur au niveau de ses genoux et de son coude droit n’était rien comparée à celle qui fusait dans sa main gauche.

Ann s’était arrêtée. S’était retournée. Lui avait lâché la main, le visage déconfit. Elle aida son amie à se mettre en position assise.

En gémissant légèrement, June posa son regard sur sa main. Ses doigts, tremblants, étaient toujours repliés sur la plume et la bouteille d’encre. Entre ses articulations s’écoulaient de minces filets liquides d’une couleur marron, qui avait aussi commencé à imbiber à la plume auparavant blanche. Lentement, comme pour s’accoutumer à la douleur, June déplia ses doigts. Avec un bruit mat, la plume tomba par terre, en même temps plusieurs débris de verre. Plusieurs éclats de verre s’étaient fichés dans sa chair, ouvrant des blessures superficielles mais qui saignaient abondamment. Les écoulements bordeaux se mêlaient à l’encre noire, créant une affreuse couleur marron…

Oh, merde… June, je suis désolée. Vient, je t’emmène à l’infirmerie.

Le regard fixé sur sa paume, June parvint cependant à secouer la tête négativement. Elle n’aimait pas souffrir, mais l’idée de se retrouver à l’infirmerie ne l’enchantait pas plus que ça. Et si ses plaies saignaient, c’était plus impressionnant que gravissime.

Non, ça va… Je vais juste passer aux toilettes.

A la mention des toilettes, elle sentit Ann se tendre imperceptiblement. Elle avait une frousse bleue des fantômes, et six années à Poudlard n’avaient pas amélioré la chose. Un très léger sourire apparut sur les lèvres de la jeune fille pour disparaître peu à peu.

T’inquiète, je te rejoint à table dans quelques secondes.

Ne cherchant pas à cacher son soulagement, Ann hocha la tête avant de s’éloigner vers les escaliers, en marchant cette fois. Bon, dans quelques secondes, elle serait sûrement encore dans les toilettes, mais Ann n’avait pas besoin de le savoir ça. Regardant sa main comme si elle avait été un serpent particulièrement venimeux, June ramassa ses affaires de la main droite avant de se relever et de pousser la porte des toilettes les plus proches. A savoir celles de Mimi Geignarde.

Posant son sac près du robinet, elle ouvrit l’arrivée d’eau et passa sa main blessée sous le filet liquide. L’eau claire à l’origine rejoignait les siphons colorée sombrement, offrant à la vue de la Serdaigle un dégradé de noir et de rouge dans l’évier.