Mais que faisait donc Rose Weasley dans Pré-Au-Lard à cette heure si matinale, et qui-plus-est chez Madame Piedoddu ? A vrai dire, elle-même se posait la question. Grimaçant en apercevant la vitrine du pub et ses confettis tombant du plafond de temps à autre, elle s’apprêta à faire demi-tour, préférant largement aller boire une Bièraubeurre aux Trois Balais. Certes, le café serait sans doute beaucoup plus bondé qu’ici et, pour la rousse, qui cherchait davantage la tranquillité qu’autre chose, ce ne serait probablement pas l’endroit idéal. Néanmoins, c’était toujours moins déprimant que ce pub sentant à plein nez le romantisme et d’autres bêtises dans ce genre-là. Jetant un dernier regard à travers la vitre, elle tourna les talons et commença à s’éloigner lorsqu’un détail accrocha son regard. La chevelure blonde qu’elle distinguait faiblement là-bas, au fond de la pièce… N’appartenait-elle pas à sa cousine, Dominique Weasley, la fille de Fleur et Bill ?

Sa curiosité piquée au vif, la jeune femme fit quelques pas en arrière pour vérifier l’identité de la blonde. Après quelques secondes d’hésitation, elle finit par en venir à la conclusion qu’il s’agissait bel et bien là de sa cousine. Le sourire aux lèvres, elle finit donc par se résigner à entrer dans le pub, venant à la rencontre de Dominique. Ok, elle n’aimait vraiment pas ce genre d’endroit, mais cela faisait longtemps déjà que la rouquine n’avait plus eu l’occasion de parler avec cette chère Domi – depuis leur retour dans le temps, en fait, si ses souvenirs étaient exacts. Oui, car même si cette dernière étudiait à Serpentard, cela n’empêchait nullement Rose de l’apprécier, au contraire. Les deux cousines s’entendaient en effet assez bien, partageant plusieurs centres d’intérêts communs tels que, comme tout Weasley se respectant, le Quidditch. Bref. Hayley adressa un sourire radieux à son interlocutrice, pendant que celle-ci engageait le dialogue :

« Hé, Rose ! ça va ? Que fais-tu ici ? »

Ah toi aussi tu te poses la question ? songea-t-elle d’un air railleur. Il était vrai que le salon de thé de Madame Piedoddu n’était pas tout à fait – voir pas du tout – le genre d’endroit que la rousse avait l’habitude de fréquenter. D’ordinaire, elle préférait largement l’ambiance conviviale des Trois Balais ou de chez Honeydukes… Oh, et elle n’oubliait jamais d’aller faire un tour chez Zonko, le magasin de Farces et Attrapes… Ainsi, la question de sa cousine remua à nouveau ses pensées. Oui, que faisait-elle ici enfin ? Pourquoi était-elle rentrée dans ce pub déversant une pluie de confettis sur chaque client ayant le malheur de lever la tête au plafond ? Retenant un soupir, elle esquissa une petite mimique trahissant ses pensées. Comme elle avait l’impression d’être une énorme tâche dans le décor ! Décidant cependant de ne pas s’en accommoder, la demoiselle remplaça rapidement sa légère grimace par un sourire de circonstances et lança d’un ton qu’elle s’efforça de rendre joyeux :

« Hey ! Domi ! Ca va très bien et toi ? Et… ce que je fais ici ? En fait, je passais dans le coin et je t’ais vu alors… je me suis dit que c’était une bonne occasion pour parler, non ? »

A ses paroles, elle ajouta un sourire angélique, confirmant plus ou moins son discours. Elle en profita également pour s’asseoir à côté de Dominique, à la place qu’elle lui désignait. Bon, et bien puisqu’à présent elle se trouvait ici, autant en profiter, non ? Attendant patiemment la réponse de sa cousine, elle en profita pour demander à la gérante du bar du thé – puisqu’apparemment c’était la spécialité du pub, autant tâcher de faire bonne figure…

[HJ: désolée, c'est pas fameux, fameux é.è]

« Moi ça va, oui.»
« Tant mieux ! »

Répondit la jeune femme avec un sourire radieux. Elle était comme cela, Rose. Toujours exubérante, avec sa tendance à tout exagérer, toujours pleine d’enthousiasme, même pour des choses minimes… Oui, car elle aurait tout de même pu se douter que sa cousine allait bien, au vu du sourire joyeux qu’elle lui avait jeté en l’apercevant, précédemment ! Son air enjoué parlait pour elle… Et pourtant, non. Rose accueillait la nouvelle avec un émerveillement et un bonheur presque aussi clinquant que si elle avait envoyé un Cognard en pleine tête à Scorpius Malefoy. Rosie était définitivement un bien étrange personnage, qui arrivait même désormais à s’impressionner elle-même par ses réactions excessives ! Mais où allait le monde, sincèrement… Ou plutôt, où allait-elle ?

Cette question calma instantanément son euphorie un brin injustifiée. Oui, où allait-elle ? Cette année qu’elle venait de boucler au Poudlard des années 70 l’avait enchanté. Ils n’avaient certes pas franchement évolué au niveau de leur mission, qui était tout de même la cause principale de leur retour dans le passé, mais actuellement, Rose s’en contrefichait légèrement. Elle se plaisait ici, dans cette époque. Mieux : bien qu’elle sache épérdument que c’était mal, et qu’il en allait de l’avenir du monde magique, l’adolescente se surprenait à espérer que leur mission traîne en longueur encore quelques temps. C’était vrai, après tout, elle adorait cette période ! Elle avait eu l’occasion de rencontrer les Maraudeurs, et avait même sympathisé avec l’un d’eux, James. Elle avait également rencontré Severus Rogue, le professeur que ses parents haïssaient tant dans leur jeunesse. Oh, et puis elle avait prévu de se rendre à la Coupe du Monde de Quidditch, d’ici quelques semaines, avec sa famille. En bref, tout allait pour le mieux pour la jeune femme.

Tout allait un peu trop bien, même. Maintenant qu’elle était ici, elle ne souhaitait plus repartir dans son époque. Dans le Futur, c’était la désolation, le désespoir, la peur, l’oppression… Ici, tous les élèves évoluaient en toute innocence, sans se douter de la menace grondant dehors – comme eux jadis, en fait. Elle avait l’impression de ne se sentir investie d’aucune réelle mission, d’être libre de ses actes et de ses pensées. Véritable électron libre et ayant déjà acquis une réputation semblable à celle qu’elle entretenait dans le Poudlard de sa génération, elle se faisait même de temps à autre rappeler à l’ordre par ses camarades d’expédition, qui lui rappelaient gentiment qu’elle n’avait pas le droit de changer le Passé – outre mesure que de tuer Voldemort, s’entend. Ainsi, elle n’avait pas le droit de révéler leur Avenir à tous ses amis de cette époque, bien qu’elle en meurt d’envie. Elle avait terriblement envie d’éviter tous ces morts, de leur révéler quelles erreurs ils feraient pour ne pas qu’il ne les répète, pour ne pas qu’ils courent eux-même à leur perte… Mais elle n’en avait pas le droit. Elle, misérable sorcière venue du Futur, n’avait pas le droit de les sauver, eux. Ni même ses amis. Ils n’étaient même pas censés être ses amis. Elle n’aurait pas dû les connaître, pas dû les apprécier…

« Je ne pensais pas te trouver ici ! »

La voix de sa cousine la ramena subitement sur Terre, Dieu merci. Elle ne voulait point songer à tout cela. De toute façon, pour le moment, il n’en était pas question. Ils étaient encore à des lieues d’accomplir leur mission… Elle avait encore le temps de se préparer à l’idée qu’ils allaient tous mourir, tous… Bref. S’éclaircissant la gorge, elle roula de gros yeux, surprise par la brusque intervention de Dominique. Elle reposa son attention sur la blonde avec un sourire. Rêveuse comme elle était réputée, cette réaction n’étonnerait probablement pas son interlocutrice ! Celle-ci se dirait juste que Rose sortait encore d’une de ses inombrables rêveries. Décryptant les paroles de la fille de Bill et Fleur – comprenez-vous, après cette plongée dans ses songes, elle avait un peu de mal à se remettre en route – elle répondit avec un sourire crispé, tout en balayant pour la énième fois du regard le pub :

« C’est vrai que ce n’est pas tout à fait le genre d’endroits où on peut me trouver, habituellement… »

Cette pensée la mit mal à l’aise, ramenant une nouvelle fois à son esprit l’image d’une tâche de couleur dans un décor en noir et blanc. Elle n’en fit cependant rien, remerciant avec un sourire Madame Piedoddu, qui leur apportait les thés qu’elles avaient commandés précédemment. Elle en but immédiatement une gorgée, et songea dans une grimace rapidement dissimulée qu’il n’y avait pas de doute, elle préférait largement la Bieraubeurre. Tentant de ne pas penser au goût âpre de la boisson, elle avala la liqueur en quelques grandes gorgées et reposa ensuite sa tasse sur la table, fixant Dominique, qui poursuivait la conversation avec enthousiasme, en souriant. Comme une fille aussi sympathique avait-elle pu se retrouver à Serpentard, aux côtés de Scorpius Malefoy et ses ancêtres ? Cela restait un mystère à ses yeux.

« Tu ne pars pas en vacances cet été ? »

Ah, la question qui tue tout. Si elle partait en vacances ? Elle ne savait même où elle allait loger durant les deux mois à venir ! D’ordinaire, elle passait, en toute logique, les vacances chez ses parents, dans leur cottage familial. Ou alors, elle se rendait chez les Potter pour quelques semaines, avec ses cousins. Là… elle se retrouvait un peu paumée. En attendant d’avoir les idées plus claires, elle avait loué une chambre au Chaudron Baveur, où elle resterait jusqu’à la Coupe du Monde de Quidditch. Ensuite, elle aviserait. Elle s’apprêtait à répondre ceci à sa cousine, lorsqu’elle se rendit compte que Madame Piedoddu les fixait d’un air affairé, bien qu’elle détourne immédiatement le regard en s’apercevant que Rose l’avait vu. Madame Piedoddu était-elle au courant de la présence de nouveaux élèves à Poudlard ? Elle n’avait sûrement pas pu passer à côté… En revanche, elle savait probablement moins que ces élèves venaient du futur. Ce fut donc avec attention que Rose choisit ses mots pour répondre à Dominique :

« Et bah… tu sais bien que cette année, c’est assez… compliqué. Pour l’instant, je loue une chambre au Chaudron Baveur jusqu’à la Coupe du Monde de Quidditch. Ensuite, bah… j’aviserai, héhé ! Et toi, ton programme pour cet été ? »